Le secret du grand A volant


Une histoire vécue

Ce conte est né d'une histoire vécue par un garçon de Frelighsburg, Alexandre, mort à l'âge de 12 ans.

Peu avant son dernier souffle, il a tracé les lignes de ce qui est devenu un legs pour son village : un patrimoine culturel en même temps qu'un patrimoine bâti.

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L'étincelle

Alors que je venais de m'installer dans mon village d'adoption, j'ai fait la connaissance de sa grand-maman. Jamais je n'avais entendu quelqu'un parler d'un être cher disparu comme elle le faisait. Ce n'était pas de la tristesse qu'elle me communiquait : Alexandre était parti il y avait de cela dix-huit ans déjà. Dans sa façon de dire, son ton, ce que je percevais, c'était la vie d'Alexandre, c'était Alexandre en vie.

Elle m'a dit que, chaque matin, elle grimpait la côte de la rue l'Église pour se rendre le saluer au cimetière. Nous étions alors en hiver. Je lui ai dit qu'au printemps, j'aimerais qu'elle m'y amène.

Quand, à la fonte des neiges, je me suis pointée à notre rendez-vous, les parents d'Alexandre se sont joints à nous. Tous les trois m'ont raconté des anecdotes de la dernière année de vie d'Alexandre, alors qu'il se savait condamné. C'est lui qui accompagnait les autres dans leur deuil à venir.

Le legs d'Alexandre à son village

Revenant du cimetière, passant devant l'école, ils me montrent la pancarte avec le nom de l'école et un dessin représentant Frelighsburg. Ce dessin est le dernier d'Alexandre.

Les parents me racontent que, peu avant la mort de leurs fils, la direction de l'école avait organisé un concours auprès des élèves pour trouver un logo à l'établissement. C'était un concours à l'aveugle : les dessins n'étaient pas signés.

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©Marie-Claude Lord

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©Marie-Claude Lord

Alexandre, qui était alors hospitalisé à Sainte-Justine, à Montréal, ne voulait pas participer.

Il se disait trop faible.

Sous l'insistance de sa mère qui lui rappelait sa passion pour le dessin, il a finalement accepté.

Le hasard a voulu que, dans ce concours à l'aveugle, ce soit le dessin d'Alexandre qui ait été retenu.

On y voit son école, un crayon, des notes de musique, les balançoires, des pommes qui représentent son village de pomiculteurs, et le nom de l'école prend la forme du majestueux mont Pinacle qui domine la vallée, où niche Frelighsburg.

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Cela faisait donc 18 ans depuis la mort d'Alexandre, et son œuvre persistait. Son dessin était, depuis tout ce temps, le logo officiel de l'école.

Menace de disparition du legs d'Alexandre

Les parents m'ont aussi confié, ce jour-là, qu'une nouvelle direction d'école avait l'intention de se débarrasser de cette vieillerie enfantine, pour faire fabriquer un logo par une entreprise de professionnels.

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J'étais indignée. Un patrimoine culturel, le dessin - couplé à un patrimoine bâti, son support - n'était plus au goût du jour. À l'approche du 100e anniversaire de la construction de l'école, il fallait faire table rase du passé.

De retour chez moi, la tête ensemencée des anecdotes de fin de vie d'Alexandre, je sentais déjà que ce récit allait germer en mon ventre. il atteindrait ma plume dans six mois, un an, deux ans? Je l'ignorais.

Les mois ont passé puis, comme une éruption volcanique, l'histoire d'Alexandre a commencé à se pointer au bout de ma plume.

Des œuvres d'art

À ce moment, j'avais déjà fait la rencontre, dans mon nouveau village, d'une artiste en arts visuels de grand talent : Marie-Claude Lord. Elle a épousé mon projet de conte avec enthousiasme.

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©Marie-Claude Lord

Les 13 illustrations de Marie-Claude Lord sont de réelles œuvres d'art.

La technique singulière qu'a utilisée l'artiste pour composer les illustrations a donné un résultat éblouissant.

Toute une communauté derrière ce conte

Pour réunir mes mots et les images de Marie-Claude entre deux couvertures avant le 100e anniversaire de l'école – donc avant la mise au rancart de l'œuvre d'Alexandre – il ne pouvait être question de passer par une maison d'édition, car le délai aurait été trop long : le risque de voir disparaître le legs de l'enfant planait. Je me suis donc tournée vers la communauté, les citoyens, les commerçants, les pomiculteurs, les agriculteurs, les artisans, les artistes afin d'amasser les sous pour la publication de ce conte illustré en couleurs.

Cette collecte de fonds a été ponctuée de moments touchants, car la majorité des contributeurs se souvenaient d'Alexandre, et avaient des anecdotes à me raconter.

Dans ce conte, tous les personnages sont réels, même le chien Watson (et son nom n'est même pas inventé!).

Quand est arrivé le moment du lancement de l'album, c'est tout le village qui s'est réuni au Centre d'Arts pour célébrer l'histoire d'Alexandre, qui plus jamais n'allait se perdre dans les méandres de l'oubli.

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Un patrimoine préservé

La direction de l'école a fait marche arrière : le legs d'Alexandre est demeuré en place! Il a même bénéficié d'un rafraîchissement de sa peinture.

Une histoire qui essaime

En 2014, année du centenaire de l'école, j'ai inscrit le patrimoine créé par Alexandre à la 4e édition des Prix Patrimoine du Conseil montérégien de la culture et des communications.

J'ai aussi fait des présentations théâtrales du conte dans les écoles, les bibliothèques publiques eten librairie pour des centaines d'enfants de Frelighsburg, Dunham, Cowansville, Granby, et jusqu'à Chicoutimi.

Chez la grand-maman

La grand-maman d'Alexandre, qui tient toujours une place importante dans mon cœur et dans ma vie, garde en permanence sur le mur de sa cuisine la couverture de ce conte.

Le secret du grand A volant
Conte de la contrée du sieur de Freligh
2013
64 pages


Le secret du grand A volant